En raison du réchauffement climatique, l’évolution au potager semble encore plus rapide qu’au jardin d’ornement.
En cinq ans, les spécialistes ont vu des productions se décaler et des variétés décliner.
Dans le sud de la France, certains maraîchers ont avancé les travaux de trois semaines pour ne pas subir les sécheresses d’avril-mai, qui bloquent la croissance des jeunes plants…
Voici les conseils de professionnels.
Avancer et multiplier ses semis
Semez plus tôt afin de profiter des pluies de printemps, récolter avant la sécheresse et éviter la montée en graines précoce (dès le mois de mai) de certaines variétés, à cause de la chaleur.
« En particulier pour les légumes feuilles (épinard, laitue, roquette…) », note Blaise Leclerc, docteur en agronomie et jardinier, auteur de Légumes et canicule (éd. Terre Vivante, 2021).
Préparez vos plants en véranda ou serre non chauffée si possible.
« Certains légumes tolérant les basses températures (oignon, épinard, arroche…) et les salades, qui ne craignent pas trop le gel, mais la sécheresse, lèvent en février et se développent fin mars », explique Brigitte Lapouge-Déjean, autrice de Jardins secs, s’adapter au manque d’eau (éd. Terre Vivante, 2012).
Vous pouvez également tenter des semis d’une même variété à différents moments pour multiplier vos chances de passer à travers les sécheresses précoces, canicules ou orages de grêle.
« Les haricots verts peuvent être semés en trois ou quatre fois d’avril à juillet, pour une production échelonnée de juin à octobre », propose Blaise Leclerc. Et le gel ?
« C’est un risque à prendre…, poursuit-il. Certaines plantes peuvent s’en remettre, par exemple, les pommes de terre. »
Néanmoins, tunnels, bâches et voiles doivent être installés dans les régions froides.
Bien choisir ses variétés
Prenez des variétés qu’il est possible de ne pas arroser en été, car leur croissance se fait en automne-hiver (fèves, oignons, ail…).
Ou des légumes peu gourmands en eau : haricots, courges, tomates, aubergines…
Ces derniers ont besoin d’un peu d’eau pour germer et sur tout ensuite, au moment de la floraison.
« Les tomates formées vont continuer à mûrir même sans les arroser.
C’est lors des premières années où on a manqué d’eau que j’ai eu les meilleures tomates, elles étaient beaucoup plus sucrées », assure Blaise Leclerc.
Remplacez les variétés qui périclitent par temps sec : troquez l’épinard contre l’arroche ou la tétragone, plus rustiques ; le potimarron, gourmand en eau, contre la courge butternut ou la courge longue de Nice. Testez des variétés exotiques ou anciennes qui résistent mieux au sec (courge sucrine du Berry, navet-rave du Limousin, oignon rouge pâle de Niort, basilic marseillais, courgette de Nice à fruits ronds…).
Osez les mal-aimées :
« Le pourpier continue à pousser en plein été sans eau.C’est une salade excellente, pleine de vitamine C », assure Brigitte Lapouge-Déjean.
Et plantez des variétés au tempérament « dromadaires » : haricots nains Pelandron ou haricot beurre de Rocquencourt, tomates brin de muguet, matina ou mirabelle, pois mangetout carouby de Maussane, pois serpette d’Auvergne ou merveille de Kelvedon…
Pensez aussi à intégrer au potager des plantes vivaces (artichaut, cardon, livèche, roquette vivace, topinambour…), plus résistantes aux changements de températures ou aux sécheresses passagères que les légumes annuels. Et favorisez les légumes à racines très profondes comme « le panais, le salsifis et la scorsonère, dont les racines descendent au moins à 40 cm de profondeur, atteignant l’eau qui n’est plus accessible à la plupart des autres légumes du potager », suggère Blaise Leclerc.
Savoir quand et comment arroser
« Quels que soient les légumes, on a généralement tendance à trop arroser », prévient Blaise Leclerc.
Ce qui nuit à la conservation comme à la saveur. « Les pommes de terre en particulier ne doivent pas être arrosées deux à trois semaines avant leur récolte et les melons seront insipides s’ils sont arrosés trop tardivement. »
Veillez à l’efficacité des arrosages et utilisez un pluviomètre conseille Blaise Leclerc : « En dessous de 5 mm, il s’agit d’une pluie faible, inefficace en été. Entre 5 et 10 mm, c’est une pluie non négligeable. Au-delà de 10 mm, la quantité d’eau commence à être satisfaisante. »
Arrosez peu souvent, mais beaucoup, « à raison d’un arrosoir (15 l) pour trois ou quatre plantes, afin d’aider les racines à plonger profondément et à gagner en autonomie », conseille La Graine indocile, association qui promeut un mode de vie plus autonome et écologique.
Différentes solutions vous permettent aussi d’arroser de façon plus précise, avec moins de déperdition, via un goutte-à-goutte ou des oyas.
Amender le sol et pailler« Trop de potagers ne sont pas assez paillés, le besoin d’arrosage est alors énorme », s’inquiète Robert Kran, jardinier-philosophe qui acclimate depuis vingt ans des arbres fruitiers pour les adapter au changement climatique, coauteur d’Un jardin fruitier pour demain (éd. Terre Vivante, 2022).
Il est possible de compenser un moindre arrosage par le paillage, à condition d’en mettre beaucoup.
« Fin avril-début mai, dès la mise en place des plantes potagères d’été, nous ajoutons du paillage sur tout le potager jusqu’à atteindre 15-20 cm d’épaisseur sous les courges et les tomates, et n’arrosons qu’une fois par semaine, ce qui est peu en sol très caillouteux. S’il pleut régulièrement, nous n’arrosons plus de toute la saison ! »
Herbes fauchées, feuilles mortes conservées depuis l’automne, paille, BRF (bois raméal fragmenté, jeunes rameaux de l’année broyés)…
De nombreuses solutions s’offrent au jardinier. À noter : éloignez d’un gros doigt le paillis du collet des plantes pour laisser de l’aération et faites attention aux tontes fraîches, très chargées en azote, qui risquent de brûler les feuilles.
Créer de l’ombre au potagerEn alternant légumes (et fleurs) se développant en hauteur et variétés basses, on crée de l’ombre naturellement. « J’ai semé une rangée de haricots verts entre des topinambours et des pois chiches, ou des cosmos et des pois chiches près des fraisiers », décrit Blaise Leclerc.
Brigitte Lapouge-Déjean utilise l’amarante et le maïs pour la betterave, le céleri, les carottes et le persil qui sont en dessous.
Pensez le potager en 3D et situez-le si possible à l’ombre de grands arbres.
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